Est-il possible d'utiliser des batteries qui ne dépendent pas des ressources minières pour nos voitures électriques ?

La voiture électrique est censée sauver le climat… mais elle pourrait raser l’équivalent de 18 terrains de football par jour d'après une étude réalisée par Négawatt et WU Vienna. Changer de cap est-il encore possible ?

Pour que la voiture électrique soit vraiment verte, ses batteries doivent l'être aussi.
Pour que la voiture électrique soit vraiment verte, ses batteries doivent l'être aussi.

La voiture électrique est souvent présentée comme la clé d'une mobilité décarbonée. Pourtant, ses batteries reposent sur des métaux extraits au prix de dégâts écologiques massifs.

Les chercheurs du think tank français négaWatt et de la WU Vienna ont modélisé plusieurs scénarios à l’horizon 2050. Si l’Europe poursuit sa trajectoire actuelle, 117 800 hectares de forêts pourraient disparaître d’ici là, soit 18 terrains de football par jour pendant 25 ans.

La face cachée des batteries

Les batteries les plus utilisées en Europe pour les voitures électriques sont de type NMC 811, acronyme pour nickel-manganèse-cobalt. Très performantes, elles sont aussi très gourmandes en métaux dits critiques : cobalt, nickel, cuivre… Ces trois métaux, bien que représentant seulement 10 % du poids total d'une voiture électrique, sont responsables de plus de 75 % de son empreinte de déforestation.

La demande croissante pour ces métaux engendre un cercle vicieux : plus de voitures « propres », plus de mines, plus de déforestation. En plus, les zones minières se situent souvent dans des régions tropicales riches en biodiversité : Indonésie, Brésil, République Démocratique du Congo.

Entre 2000 et 2020, 13 700 km2 de forêts ont été perdus à cause des mines. Le nickel en Indonésie a vu sa surface d'exploitation multipliée par 7 en 20 ans. Le cobalt en RDC est responsable de 13 000 ha de déforestation directe.

Et l'humain dans tout ça ?

L’impact indirect, infrastructures, routes, logements, …est encore plus vaste, touchant deux tiers des pays tropicaux selon une étude de 2022.

Entre 2010 et 2022, 630 allégations de violations des droits humains ont été recensées dans l'exploitation de ces métaux.

70 % des ressources en métaux de transition sont situées sur ou près de territoires de peuples autochtones. Les conséquences sont multiples : pollutions, expropriations, pertes de moyens de subsistance.

L'alternative LFP : une batterie sans cobalt ni nickel

Mais tout n’est pas joué. Une technologie moins destructrice existe déjà : la batterie LFP, pour lithium-fer-phosphate. Elle ne contient ni cobalt ni nickel, et repose sur des matériaux plus abondants et moins problématiques, comme le fer, souvent situé hors des zones forestières tropicales.

Alors que la Chine a largement adopté ces batteries, l’Europe reste concentrée sur les technologies NMC. Pourtant, selon l'étude, si l’Union européenne basculait vers les batteries LFP tout en ajustant ses politiques de mobilité, l’empreinte forestière du secteur des véhicules électriques pourrait chuter de 82 % par rapport au pire scénario.

C'est le scénario dit "CLEVER", où 21 300 hectares de forêts seraient menacés d’ici 2050 contre près de 118 000 hectares dans le scénario le plus pessimiste. Une différence qui montre à quel point la technologie choisie et les usages collectifs comptent autant que le nombre de véhicules vendus.

Repenser la mobilité

Mais changer de technologie ne suffit pas. Les chercheurs appellent à une réflexion plus globale sur la sobriété des transports. Moins de ressources, c’est aussi réduire le nombre de véhicules individuels, favoriser les transports publics, la mobilité partagée,.... Cette approche ne sacrifie pas la mobilité : au contraire, elle permet de répondre aux besoins de déplacement tout en limitant drastiquement la demande en métaux.

L'étude préconise aussi des leviers structurants : créer de zones d’exclusion minière, prioriser les pays à faible risque de déforestation, et renforcer la traçabilité et la vigilance stricte sur l’origine des matières premières, et l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement.

Le véritable défi, ce n'est pas de ralentir la transition énergétique. C’est de la réorienter avec lucidité et ambition, en conciliant protection du climat, préservation des forêts et de la biodiversité, et respect des droits humains. Une transition qui refuse de choisir entre justice écologique et justice sociale, parce qu’elles ne peuvent exister l’une sans l’autre.

Sources de l'article

Giljum, S., Maus, V., Kreimel, J., Weber, L., Kroiss, A., Pigneur, J., & Toledano, A. (2025). Driving change, not deforestation: How Europe could mitigate the negative impacts of its transport transition. Institute for Ecological Economics, WU Vienna University of Economics and Business & The négaWatt Association.

Fournier, P. (2025, 13 Mai). How to make electric vehicles that don’t trash forests through mining. Climate Home News.

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